On regrettera plus tard. De Agnès Ledig

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la poupée et faire de beaux dessins, chuchoter dans leur lit après s'être brossé les dents dans la sale de bain, en pouffant de rire la bouche pleine de dentifrice, j'ai du mal à la laisser partir.

Je suis allongé sur le dos, encore un peu humide de la douche que je viens de prendre, un simple drap sur moi, tant cette soirée de juin est douce, quand j'entends le parquet du couloir grincer discrètement, puis le loquet de ma porte se soulever doucement, pas suffisamment cependant pour le rendre silencieux. mais j'entends quand même Valentine entrer dans ma chambre. Je décide de ne pas réagir. Juste de vérifier dans la pénombre, que la lune de ce soir rend incomplète, qu'elle ne tiens pas le plus gros de ses couteaux de cuisine dans la main. Après tout elle m'a ouvert la porte avec une poêle en fonte.

Rien à l'horizon. Juste son corps et sa longue chemise blanche, dont j'entends le froissement quand elle tombe sur le sol. Je pense comprendre. Je le crains, surtout en pensant à la discussion d'hier avec Gustave. Ne pas lui faire du mal. Dois-je réagir ? Comment aurais-je pu m'attendre à cette incursion ? Je lui ai pourtant dit que je n'avais pas besoin de femme. Elle veut peut-être vérifier par elle même. Ne pas lui faire de mal, m'a dit le viel homme. Mais je ressens cette excitation irrépressible, accentuée par l'incongruité de la situation. Le sentiment est troublant. Je crois que l'ai peur.

Envie mais peur.

Peur mais envie.

Cela fait si longtemps.

Le drap se soulève et je sens son corps chaud se glisser à coté du mien. J'admire son applomb incroyable, son courage immense d'oser agir ainsi. Je pourrais la repousser violement et la voir repartir rouge d'honté. Qu'en serait-il demain matin, avec le jour ? Elle à décidé de de prendre le risque. Je n'ai aucune envie de la repousser.

Cependant, je n'ai pas non plus le coeur à m'élancer vers elle. Alors je la laisse faire. J'aviserai. Ou peut-être n'aviserai je non. J'en prends aussi le risque.

Je suis dans la peau du cambrioleur de plaisir qui vole l'instant.

Ne pas lui faire du mal. Je lui ferais si je la repoussais. Vais je lui en faire en acceptant son corps ? Puisqu'elle me l'offre

Ou bien vient-elle se servir ? Elle reconnaissait qu'elle était en manque.

Soit.

Elle s'est mise au-dessus de moi, en évitant mon visage.

J'aurais eu du mal à accuellir sa bouche sur la mienne.

Nous sommes si étrangers. Elle embrasse maintenant mon ventre, ses mains sur mes hanches. Ses deux seins frèlent mes cuisses, et ses tétons femes réveillent instantanement en moi cette sensation que j'avais enfouie depuis tant d'années. Je sens mon sexe durcir progressivement.

Elle le sent aussi, je le sais, car sa main est venue l'effleurer. Je pose la mienne sur son épaule. Elle me prend alors dans sa bouche avec une délicatesse qui me fait frissoner.

Puis s'en éloigne. Me saisit à nouveau. Autre frisson. Je la sens hésitante, et pourtant elle le fait. Cette partie de de moi retrouve vie et envie. Comme c'est bon. Comme c'est bon de m'abandonner à cette femme que je ne connaissais pas il y à encore une semaine, qui m'est presque étrangère, mais qui est là ce soir pour me donner du plaisir, et pour en prendre, comme si elle avait compris qu'il y avait un volcan à réveiller. La lave bouillone en profondeur, même quand il est endormi. Elle le savait probablement.

Non, je ne veux pas avoir besoin d'une femme. Ce n'est toujours pas le cas. Sauf si le desir en est un.

Elle poursuit toujours aussi délicieusement, sa langue tournant autour de mes chairs fermes et se lèvres se serrant progressivement pour en décupler le plaisir. Jamais je n'avais vécu un tel moment, mais j'ignore si céla est lié à mon manque cruel ou à son expérience certaine.

Elle semble aimer jouer avec mon sexe, et c'est probablement le jeu qui rend l'acte délicieux. Je la devine à la recherche de mes sensations, car, à chacun de mes soupirs, elle recommence ce qu'elle vient d'expérimenter. Je l'arrête une première fois, puis une deuxième, pour éviter de jouir. Je ne veux surtout pas. Pas maintenant, pas comme ça, pas si vite. Elle s'arrête et patiente, avant de reprendre, me rendant de plus en plus fébrile. J'avais peur de ne plus éprouver de désir pour aucune femme, et voilà que je crains d'en avoir trop. D'ailleurs, j'en ai trop. Ce que je ressens est violent. Presque animal. Je n'ai plus de cerveau, je ne suis plus un homme raisonnable. Je suis une boule d'instinc qu'elle a voluptuesement provoquée et qui explose, hors de contrôle. Je lui saisis les bras pour la faire remonter vers moi, je l'empoigne au niveau des hanches, et je la retourne avec fermeté, en lui écartant les jambes avec mes genoux. Elle passe une main dans mes cheveux et pose l'autre sur mes fesses, m'enjoignant de la pénétrer, ce que je fais sans tarder. Je ne peux pas faire autrement.

En entrant en elle, je sens ses doigts se planter dans mes épaules et s'agripper dans un soupir bruyant. J'ai envie de repartir et de revenir, et de repartir encore. Comme elle, tout à l'heure, avec sa bouche. Elle me supplie de rester. Je reste. Mais je vais et je viens plus intensement, plus profondement. Il fait chaud au fond d'elle. Chaud et humide. Ses jambes m'ont enserré comme deux lianes souples qui m'emprisonnent dans son corps.

Quand j'arrête de bouger, je la sens se contracter par sacades autour de moi, et puis, une main sur mon bassin, pour m'inciter à poursuivre. L'autre s'en est insinuée entre son ventre et le mien et je sais qu'elle se caresse en même temps que mes mouvements de va-et-vient, que j'intensifie, tant je la vois réagir. Nous restons ainsi un moment, à jouer avec le ryhtme des mouvements, à attendre, repartir, revenir, nous répondre, comme deux instruments sur une même partition.

Lorsque j'entends à son souffle qu'elle s'approche de l'orgasme, je m'autorise à relacher mes freins et je me laisse doucement monter. C'est son cri aigu et cette langoureuse plainte qui me donnent le signal.

Je repose sur elle, mon torse sur sa poitrine essoufflée et moite. Des petits gémissements résiduels s'échappent encore de sa bouche par intermittence. Comme des paliers de décompression. J'ai l'impression d'être dans du cotton, et je sens mon coeur battre. Je me retire alors d'elle et je m'allonge à ses côtés, en cherchant le drap qui s'est perdu dans la bataille. Nous restons ainsi de longues minutes

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et rencontre la mienne, avec laquelle il joue dans tous les sens. Il s'est collé à moi et je sens à travers son pantalon léger qu'il a déjà envie. Mon entrejambre se met à l'unisson et je sens gonfler mon mon bouton-d'or qui s'éveille sous ses doigts venus se poser là. Sa grande main remonte et se faufile sous ma chemise, saisit mon sein, mon petit sein, que la remplit à peine. La deuxième vient faire de même avec l'autre téton déjà dur. Ses paumes sont rougueses. L'homme travaille. La roulotte, les chevaux, par tous les temps. Il y a l'essentiel de son histoire dans ses mains. Les lignes de vie sont des lignes de front et la douceur des paumes est devenue chez lui un champ de bataille. Elles sont rêches mais vivantes, et je sens leur présence dans ses moindres caresses, laissant sur leur passage un frison désordonné. Il m'embrasse toujours furieusement. Il me disait être bien bien sans sa femme. Il semble bien avec aussi. Cependant, je ne suis là pour lui prouver quoi que ce soit. C'est même très égoïstement que je viens profiter de son corps, pour mon plaisir à moi. Mais le voir ainsi fougueux et pressé m'excite encore davantage. Il m'entraîne vers l'arrière de de la roulotte jusqu'au pied du lit. Je sens ses mains passer sous ma jupe légère et remonter le long de mes cuisses, doucement. Confusion des sens. A la fougue, il préfère maintenant la lenteur. Le changement de rythme est inattendu et presque cruel. Je le voulais déjà en moi et je sais qu'il va me falloir patienter. Je me laisse faire. Je ferme les yeux. Il accroche ses deux index à ma petite culotte et la fait descendre aussi lentement qu'il est venu la chercher. Il s'incline en même temps qu'il la retire et la laisse tomber par terre. C'est sa bouche qui remonte le long de ma jambe. Sa langue qui humidifie ma cuisse. Ses mains qui pétrissent mes fesses, et les font exister comme jamais elles n'ont existé. Je suis debout, mes jambes prisonnières de ses bras. J'aimerais les écarter pour qu'il aille me lécher autre chose que la cuisse et je ne peux pas. C'est lui qui décide, lui mène la danse. Il effleure quand même le sommet de mon clitoris au passage, et le suce quelques instants. Je chancelle, je n'ai plus confiance dans mes jambes. Il a dû le sentir car il me fait basculer sur le lit, au milieu des coussins. La couche est moelleuse. Il s'est installé au sol et soulève mes pieds pour m'écarter les genoux. Enfin libre.

Et puis, il me regarde. Il regarde mon sexe ouvert à la lueur de la bougie posée sur la table un peu plus loin. Il me regarde en approchant sa main et en la posant délicatement. Je dois briller tellement j'ai envie de lui. Il approche son visage et souffle sur moi, en écartant mes petites lèvres entre le pouce et l'index. La sensation de fraîcheur est délicieuse et délicate. Il trempe son doigt. Comme on le ferait dans un pot de miel pour le goûter. Il me goûte. Et recommence. Je m'agrippe aux coussins qui qui m'entourent. J'ai envie qu'il aille plus loin et et il reste au bord des lèvres. La lenteur cruelle qui exacerbe mon desir. Son pouce caresse mon point sensible pendant que son majeur s'aventure dans l'obscurité moite. Je soupire enfin et de plus. Mon corps l'aspire pour le supplier d'aller plus profond mais il repart. Je me tortille, mais il ne revient pas pour autant. Il laisse passer un long moment comme ça, avec seulement son pouce sur mon clitoris, qu'il caresse délicatement. J'écarte un peu plus les cuisses pour lui signifier de venir. C'est sa langue que je sens alors,fine et ferme. Il la promène partout, avec une exquise légèretée. Le supplice de la plume. Un voluptueux supplice qui semble soulever ma peau vers lui tant j'ai envie de faire sauter la retenue et qu'il me prenne à pleine bouche. Mais c'est autrement qu'il décide de me prendre, après s'être rapidement installé à ma hauteur. Sa ferme virilité est posée là, à l'entrée de moi. Et il me regarde. Comme s'il attendait le signal. Je me damnerais pour pour qu'il vienne. Il joue avec l'attente, et je souffoque de l'espérer en moi. Ce serai rapide, je le sais. Je suis au bord de l'orgasme, tellement impatiente qu'il m'y emmène. Il saisit alors ma main droite et la maintient au-dessus de ma tête. Cette main que j'utilise pour monter au plus haut. C'est lui qui s'en chargera. Il a décidé de tout mener. Il entre enfin, en me caressant. Il entre puissamment, de toute sa longueur, et un peu plus encore. Il impulse un ryhtme rapide et ne me laise aucun instant de répit. Sa respiration rapide me stimule et me guide. Nous gémissons ensemble. Quelques secondes hors du temps, en soi mais avec l'autre, comme deux bulles de savon qui éclatent simultanément et mélangent leurs gouttelettes de plaisir avant de s'évanouir sans laisser de trace.

Juste celle d'un soupir conjoint.

Et puis repartir sans un mot, sans un bruit. Juste les doigts qui s'effleurent pour se dire à plus tard.